03/09/2025 dedefensa.org  8min #289310

 Le sommet de l'Ocs à Tianjin sera le plus important de l'histoire

Poutine leur propose « sa » guerre

 Bloc-Notes  

• Cet homme est impressionnant : Poutine encore une fois, a dominé le sommet de l'OCS (ce jugement n'est pas performatif mais méditatif). • Dans son discours, il a synthétisé la GrandeCrise en un antagonisme entre modernité mortifère et préservation des traditions encore existantes pour les transmuter en une époque nouvelle (Douguine évoque l'"archéofuturisme" de Guillaume Faye). • La grandeur de Poutine se mesure à sa capacité à désigner l'"ennemi principal" dans un discours public qui se fiche des arguties philosophiques.

Que faut-il retenir du sommet de l'OCS à Tianjin ? Tant de choses, qui confirment tant d'attentes bien connues, qui ne devraient conduire à aucune surprise ni sensation, et qui pourtant y conduisent. D'où  notre phrase fameuse, – on dirait du Corneille postmoderne, n'est-il pas ?

« Ah certes ! Quelle force est celle de l'événement lorsqu'il s'accomplit, même s'il est prévu et attendu depuis 15-20 ans ! »

... En effet, l'OCS a tout de même été créé en 2001 (par les Chinois le proposant aux Russes et autres pays de l'ex-URSS) et il fallait admettre que c'était pour quelque raison encore obscure, – mais que cela servirait un jour. Nous, – c'est-à-dire "eux", ceux que l'OCS défie, – n'avons donc nullement suivi cette organisation laborieuse et obscure, tout comme les BRICS de 2008, dans notre glorieuse époque des catastrophes successives frappant les USA et les américanistes-occidentalistes ( bloc-BAO), et tous s'exclamant que c'était les signes de notre grandeur incommensurable, de la suprématie de notre suprémacisme, nous autres, si fiers d'être nous... Jamais le bloc-BAO ne s'est senti aussi exceptionnellement suprême qu'au moment où il a commencé à se désintégrer à une vitesse qui ne doit pas cesser de nous laisser coi.

Le diable est comme cela. Il vous recrute pour vous entraîner dans d'incroyables aventures qui vous font rêver, pour mieux vous écorcher vif, vous découper en petits morceaux de rondelles bientôt répandus au vent mauvais, comme les feuilles mortes ramassées à la pelle sans la moindre considérations pour le poète qui pleure les amours mortes..

Quoi qu'il en soit, nous nous comprenons : nous n'allions pas, nous Occidentaux et si fiers de l'être au milieu de ce désastre sublime témoignant de notre grandeur et de nos enseignements, nous occuper d'un avortons type-OCS... D'accord, et l'avorton s'est donc transmuté dans notre dos en une étonnante et stupéfiante puissance, et il nous a cloués sur notre croix d'arrogance et d'hubris. Wall Street et la City n'y ont vu que du feu.

Mieux encore : notre nonchalance, notre ignorance, notre abracadabrantesque simulacre sur la guerre en Ukraine nous plongeant dans nos amas de défécations infâmes a grande ouverte la voie pour d'autres, vers des ambitions tout simplement extraordinaires parce que tout simplement conscientes des dangers et décidées à mener comme faire se peut la mission salvatrice.

La plus extraordinaire, c'est celle dont nous voulons vous parler aujourd'hui, celle qu'a exprimée Poutine, – Who else ? Poutine, le seul "grand homme d'État" au sens classique de ce temps de la Fin des Temps, – Poutine, dans son discours devant ses amis de l'Organisation de Coopération de Shanghai, après sa nième embrassade avec ses amis les plus proches Xi et Modi. Poutine, l'homme de l'arrangement, de l'accommodement, du compromis, – n'en déplaise aux esprits forts qui veulent le voir avec une petite moustache – Poutine leur a proposé rien de moins qu'une guerre, une guerre totale et générale pour liquider un cycle d'une civilisation déjà à la dérive.

Une tentative de réenchantement du monde

Entendons-nous, il s'agit d'une "guerre" civilisationnelle, d'une "guerre" pour retrouver des usages perdus, c'est-à-dire une "guerre" du sens pour retrouver un sens, ce que des philosophes de l'école fondamentale de la Philosophie Première ou Philosophie Primordiale nomment "le réenchantement du monde". Nous parler certes en phrases qui peuvent paraître présomptueuse et immodeste, – mais elles ont le vrai sens justifiant de cette emphase. Comme, dans le film ‘Alice et le maire', cette phrase que répète Lucchini, retiré de la politique après avoir subi lui-même ce désenchantement du monde qu'est la modernité, cette phrase d'après une note que lui a fait parvenir son ancienne conseillère sur la nécessité, – sait-elle qu'il s'agit de la tâche essentielle qui l'attend, que précise la seconde citation ? – de réenchanter les relations humaines avilies et dévastées par les ravages de la modernité :

« De la perte morale qui affecte les formes civilisées de la vie... »

« Nous avons perdu le sens moral des nécessités qu'il importe d'appliquer dans l'exercice partagée de la civilisation »

C'est donc des "valeurs" au nom du réenchantement du monde, et certainement pas, – jamais, au grand jamais, – au nom d'une idéologie creuse, bâclée, vide et nous entraînant avec une incroyable fureur vers le vide entropique, c'est donc de cela  que parle Poutine. Il s'agit, parmi les propositions concrètes et un peu politiciennes qu'il se doit de faire, de l'essence même de son intervention.

Pour ne rien dissimuler à cet égard et montrer ce qu'exige notre époque pour y faire entendre quelques  vérités-de-situation, nous retranscrivons l'intégralité du compte-rendu de RT. com. Nous sommes obligés d'en passer par là puisqu'il s'agit de politique et non de philosophie primordiale comme en usa Soljenitsyne  à Harvard en 1978, ce discours qui n'est  nullement oublié.)

« Les valeurs traditionnelles sont marginalisées à l'échelle internationale et doivent être remises au centre de l'agenda mondial, a déclaré le président russe Vladimir Poutine aux dirigeants présents au sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tianjin.

» Lundi, lors de la session élargie de la réunion, le dirigeant russe a souligné que la force de l'OCS réside dans son traditionnel "respect des événements historiques, des valeurs culturelles et de la diversité civilisationnelle". Il a ajouté que ces principes constituent le fondement de la coopération dans les domaines de la science, de l'éducation, de la santé et du sport.

» Poutine a souligné que, dans le domaine culturel, Moscou organise le concours de chant Intervision, qui se tiendra à Moscou le 20 septembre. Présenté comme une alternative à l'Eurovision, dont la Russie a été exclue en raison des tensions avec l'UE liées au conflit ukrainien, Intervision devrait réunir des artistes d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie.

» "Ce projet de grande envergure vise à promouvoir des valeurs universelles… Les valeurs traditionnelles sont déjà en train de disparaître… Il est temps de les remettre à l'ordre du jour international", a-t-il déclaré.

» Poutine a également invité des délégations à participer au Forum international des cultures unies de Saint-Pétersbourg la semaine prochaine, ainsi qu'au forum "Russie, pays du sport" à Samara en novembre.

» La Russie a fait de la promotion des valeurs traditionnelles un élément essentiel de sa politique intérieure, cherchant à améliorer le taux de natalité, à encourager les familles et à protéger la population des contenus préjudiciables.

» En 2024, le Parlement a interdit la «"propagande sans enfants" et lutte depuis des années contre la propagande LGBTQ. La Russie a toutefois affirmé n'avoir jamais interdit les relations non traditionnelles, arguant que l'Occident utilise le discours sur les relations non traditionnelles pour saper son identité nationale et son statut d'État. »

Entre les ligne, lisez donc ce qui est dit dans la plus profonde signification : "Nous proposons, dit Poutine, une tentative de réenchantement du monde".

Puisque le diable existe

Le Poutine qui a parlé à Tientsin est celui à propos duquel l'archéo-paléoconservateur et anticommuniste reaganien Patrick Buchanan posait la question en  décembre 2013 « Is Putin One of Us ? », avec la réponse comme une évidence. Il parlait de Poutine, l'homme des "valeurs" collectives, des traditions toujours respectées, des structures sociales maintenues à leur place et dans leurs formes. C'est celui-là qui a parlé à Tientsin.

Il a dit à ses amis et compères : "Ne vous y trompez pas, je parle souvent de bonne entente et de coopération, notamment avec le camp d'en face, mais sur ces choses dont je vous parle, qui sont le fondement, la poutre-maîtresse de la société des hommes, la guerre avec eux sera sans pitié !". Le Poutine qui a parlé à Tientsin sait que le diable existe et que nous avons atteint le point où l'affrontement est inévitable, et que le Mal que nous devons affronter, avec bien des défections et des trahisons dans nos propres rangs, est

« une notion comme ce qui est non-mesure par rapport à la mesure, sans limite par rapport à la limite, absence de forme par rapport à ce qui produit la forme et déficience permanente par rapport à ce qui est suffisant en soi, toujours indéterminé, stable en aucun façon, affecté de toutes manières, insatiable, indigence totale. »

Ce que nous voulons souligner, c'est ce miracle que, dans ce désert de l'esprit et de la politique qu'est devenue notre époque, un homme, pourtant d'extraction populaire, et passé par les plus rudes voies d'apprentissage de l'action la plus impitoyable qu'est le renseignement, ne cesse depuis des années sinon des décennies de répéter ces mêmes paroles, – non pas des paroles de paix, que tout le troupeau bêlant et démocratique ânonnent, mais des paroles de ce qui est rien de moins que le réenchantement du monde.

Poutine est sans doute l'homme public qui a le plus fait pour tenter de nous sortir de ce piège affreux de la modernité, pour nous pousser au terme de ce Kali Yuga, l'"Âge de Fer" qui termine le cycle métahistorique. Le sait-il seulement ou ne l'a-t-il fait que poussé par des forces inconnues, comme instrument nécessaire du terme catastrophique et nécessaire de cette partie de notre aventure ? Même si l'on devine par quelle réponse nous sommes très fortement tentés, – qui est la seconde, pour que nul n'en ignore, – il nous importe peu, certes, d'apporter une réponse. Ce n'est pas l'homme qui est nécessairement comme l'est chaque être du parti de l'individualisme qui doit être acclamé, mais cet instrument choisi parmi d'autres pour ouvrir une nouvelle perspective à l'aventure collective.

Mis en ligne le 3 septembre 2025 à 19H15

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